Deux nuits traversées


« L’étroitesse de la bougie, où la lumière n’est guère plus qu’une parcelle de nos possibilités. »

L’écrire ainsi, le dire ainsi, ça n’est pas encore assez sec. La profondeur oblongue des ombres qui frappent le fût de la bougie, comme en la tempête marine les ténèbres frappent le phare, s’agitent, se ramassent, remuent et reviennent tout autour. C’est cette fragilité là qui est lumière dans les soirs où l’obscurité s’épaissit. Il suffit de passer quelques nuits forcées, ainsi, sans lumière électrique, et ne pas avoir le choix, pour comprendre comment et pourquoi les êtres humains restèrent si longtemps mystiques et pudiques. Triompher de la nuit, chaque matin, voilà qui épaissit l’âme, qui la leste et lui donne cette calme gravité des gens qui regardent le soleil se lever avec la pulsation du jour suivant qui surgit. Qui surgit. Pas qui « commence » ou qui « vient », mais qui transperce, qui triomphe — c’est Apophis une fois de plus vaincu, en chacun. Il y a une angoisse dans le ventre quand le soir vient, à se dire qu’il faut tenir une nuit complète la traversée du calme.

Triomphé d’Épiméthée, l’électrique est la lance du déicide véritable — les individus ne se posent même plus la question, c’est une évidence. Coupez-leur l’électrique, toute arrogance tombera comme les feuilles d’automne et, nus dans la traversée des soirs, ils finiront par revenir dans les grandes arcades de pierre à prier ce Dieu-là, ou celui-ci. Ils prieront pour que revienne l’insouciante nuit dont l’électricité enjambe l'épaisseur. Les arcs électriques accélèrent le temps, dilatent l’aisance et rendent les heures nocturnes insouciantes. Ils suspendent la morbidité des nuits, et ne permettent pas que chaque nuit soit une infime parousie.

Les ombres ne tremblent pas, sans électricité, elles sont lourdes et silencieuses, frissonnent de cent bruits mais sont par elles-mêmes silencieuses. Les replis du monde sont des puits, horizontaux mais cependant vertigineux.

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